mardi 26 avril 2016

En pleine confrontation sociale, les intermittents du spectacle sont-ils des "privilégiés" ?

EN PLEINE CONFRONTATION SOCIALE
Les intermittents du spectacle sont-ils des « privilégiés »?
série d'articles publié par l’HUMANITE débats &controverses du 26 avril 2016
 
POUR UNE VRAIE SÉCURITÉ SOCIALE PROFESSIONNELLE par Angeline Barth Secrétaire générale adjointe de la fédération CGT spectacle

Si l'on en revient au sens premier du terme, les artistes et technicien-ne-s du spectacle bénéficient bien du privilège (privata lex) d'une loi particulière, leur permettant de bénéficier de conditions spécifiques d'indemnisation par l'assurance chômage, mais également d'adaptation à leurs spécificités d'emploi des règles concernant la formation professionnelle, la prévoyance, la santé, la médecine du travail... Ils et elles ont également le privilège d'exercer des métiers passions, de travailler dans un secteur attractif, et pour les rares plus chanceux-ses, de pouvoir choisir les projets sur lesquels ils et elles travaillent. Mais est-ce que cela en fait pour autant des « privilégié-e-s », au sens commun du terme ? Celles et ceux sur lesquels la presse libérale jette régulièrement l'opprobre : intermittent-e-s, fonctionnaires, cheminot-e-s, salarié-e-s d'EDF, (future-s) retraité-e-s bénéficiant d'un régime spécial... Celles et ceux dont on regarde avec envie les particularités comme une injustice, sans voir la partie immergée de l'iceberg.

Les artistes et technicien-ne-s du spectacle alternent des périodes d'emploi et des périodes de chômage. Elles et ils travaillent dans un secteur dans lequel il est « d'usage » de ne pas recourir au CDI, sous réserve que leur emploi relève bien d'une activité temporaire et non de l'activité permanente de l'entreprise. Plus de 120 000 salarié-e-s sont en CDI, contre plus de 250 000 ayant cotisé à Pôle emploi au titre des annexes 8 et 10. Moins d'un-e salarié-e intermittent-e sur deux est indemnisé-e au titre des annexes 8 et 10.

Une étude du Céreq sur la pluriactivité dans le spectacle vivant montre qu'en moyenne les salarié-e-s y travaillent moins de 463 heures annuelles, pour des revenus, 6 928 euros nets, et que seulement 30 % des salarié-e-s tirent l'essentiel de leurs revenus du secteur.
L'insécurité de l'emploi est très forte, la durée moyenne des contrats de travail est de trois jours et les salaires doivent être renégociés à chaque contrat de travail. Ils peuvent même diminuer : ainsi, la rémunération horaire moyenne des artistes dans le champ du spectacle subventionné est passée de 18 euros à 15 euros bruts en cinq ans. Plus de 90 % des entreprises du spectacle vivant et de l'audiovisuel comptent moins de 10 salariés et n'ont pas de représentants du personnel. Les artistes et technicienne-s ont donc très peu de moyens pour se défendre, et la menace de se faire blacklister par des employeurs peu scrupuleux du dialogue social est très présente.

Les femmes artistes et les techniciennes évoluent, quant à elles, dans un milieu misogyne qui n'échappe pas aux clichés de la société : un tiers des techniciens sont des femmes et la même proportion des salariés travaillant dans l'administration sont des hommes. Seuls 30% des intermittents sont des femmes.
Les comédiennes sont confrontées à la raréfaction des rôles de femmes après la quarantaine. Pour les femmes enceintes, il est extrêmement ardu d'atteindre le nombre d'heures requis pour bénéficier des allocations journalières de la Sécurité sociale et elles subissent la double peine en éprouvant de grandes difficultés à redevenir bénéficiaires du régime d'assurance chômage. Au-delà du sexisme « ordinaire » s'ajoutent des sujets tabous: le harcèlement et les pressions sexuelles liées à l'obtention d'un travail, d'une production ou d'un rôle...
Cet inventaire à la Prévert démontre bien que le terme « privilégié » n'est pas le plus approprié pour caractériser les artistes et technicien-ne-s du spectacle. L'emploi ne cesse de se précariser dans notre société, et au-delà des intermittent-e-s, nous devons continuer à défendre les salarié-e-s les plus fragiles en construisant des droits nouveaux pour toutes et tous, attachés à la personne et garantis collectivement. Une vraie sécurité sociale professionnelle. Gagner le nouveau statut du travail salarié que défend la CGT.

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