samedi 14 novembre 2015

Culture ? Cultures ? Politique culturelle publique : de quoi parle-t-on ?

Pour situer cet appel, nous devons le replacer dans le cadre de ce que nous appelons culture aujourd’hui, mot plus problématique qu’il n’y paraît. 
Et d’abord un cadre large, celui de l’usage que les anthropologues font de ce mot. De ce point de vue, la culture est l’ensemble des idées, des croyances, des images, des savoirs, des pratiques qui irriguent une société donnée. C’est un ensemble vaste, divers, voire traversé de contradictions et plus encore, sans doute, dans nos sociétés complexes. Mais c’est un ensemble déterminant. De ce rôle déterminant de la culture, on pourrait donner plusieurs exemples. Contentons-nous d’un seul : celui de la condition féminine. C’est bien d’abord au sein de la culture que cette évolution se joue et s’est joué tout au long du XXe siècle. 
Cet ensemble est d’autant plus vaste et divers que, désormais, nous devons admettre qu’il est composite, traversé par la diversité des cultures que la circulation accélérée des hommes et la multiplication des échanges (entre autres culturels) font coexister sur un même territoire. 
Au sein de cet ensemble, il convient d’opérer une première délimitation, qui nous servira à identifier le domaine de ce que nous appelons plus habituellement culture (notamment dans le registre des acteurs culturels ou encore dans celui de l’école). Cette distinction est nécessaire à la fois pour permettre de savoir mieux de quoi on parle et de mieux comprendre en retour les circulations entre ce domaine et l’ensemble plus vaste dont il est partie prenante. A nos yeux, cette distinction est devenue d’autant plus urgente que jamais car le domaine dont nous parlons est un espace qui doit viser à l’élaboration de l’en-commun. 
C’est pourquoi nous pensons qu’il y a là un enjeu extrêmement important qui consiste à conjuguer la diversité avec l’espace public, à favoriser un mouvement vers une culture commune. C’est la nécessité de ce mouvement qui fonde la nécessité d’un engagement fort des collectivités publiques (au sens plein du mot publique) dans ce domaine. 
Parler de ce domaine, c’est aussi conjuguer la culture à la recherche sous ses formes les plus diverses : artistique bien sûr, mais aussi scientifique, technologique etc. C’est pourquoi il peut y avoir un aspect élitiste parfois dans cette culture-là. Mais bien entendu il faut travailler à ouvrir ces recherches vers le plus grand nombre. Et d’autre part il faut reconnaître qu’on tient là une des sources de l’innovation sociale. Ainsi, pour reprendre notre exemple précédent, les poètes surréalistes tels Eluard ou Aragon ont joué un rôle décisif dans les évolutions qui ont autorisé les mutations de la condition féminine. 
D’autres délimitations seraient à opérer, en particulier afin d’identifier la façon dont se construisent les légitimités au sein de l’espace culturel. Mais c’est à refonder, dans la conscience collective, la légitimité de cet espace lui-même qu’il convient en même temps de travailler. C’est le sens profond en tout cas d’un autre appel, celui de l’Association des Centres Dramatiques Nationaux et Régionaux paru après le 11 janvier et intitulé « le théâtre est une idée neuve en France » : « Une société ne se décrète pas, elle se construit. Elle s’invente et s’élabore dans la dispute et le compromis parce qu’elle est affaire de sens. Et elle exige pour cela des institutions, des espaces communs, des politiques publiques ». 
Permettre que se posent les bases d’une politique culturelle consciente de cet enjeu à l’échelle de notre territoire, telle serait l’ambition de l’appel que nous vous soumettons.

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